Archive pour octobre 2012
Route Carthagène : jour 5, 160 Nautiques, 6.7 noeuds.
25 nœuds, ce n’est pas la vitesse du vent mais la différence entre les prévisions et la réalité! Aux 11 petits nœuds pluvieux prévus se sont substitués 35 nœuds, toujours pluvieux certes !
Foc à moitié enroulé, grand-voile réduite promptement dans une claque à 40, notre vitesse se stabilise au delà de 8 noeuds. Ça bouge un peu mais personne n’en souffre, alors on se dit que ce renforcement raccourci les distances.
Toute la dernière nuit, Silvia va slalomer entre les grains et les éclairs, toute électronique coupée dans le noir complet au milieu des flashs éblouissants. À 8 ou 9 nœuds dans la nuit noire, nous filons vers Carthagene.
Colombie, nous voici !
Route Carthagène : jour 4, 115 Nautiques, 4.8 noeuds.
Au lever du soleil un banc de dauphin vient nous montrer la voie, sauf que c’est tout droit ! Pas de Cayo, pas d’option météo, il nous reste tout juste 300 milles nautiques à parcourir au 120°.
Le temps est au beau fixe, sous spi à 8 noeuds pendant quelques heures avant que le vent ne refuse et mollisse à nouveau. Nous voilà calés au près et ce, probablement jusqu’à notre arrivée, après demain. Encore deux nuits sans sommeil avant de toucher la côte colombienne.
Route Carthagène : jour 3, 140 Nautiques, 5.5 noeuds
Voilà une belle journée de navigation : il ne s’est absolument rien passé ! La mer est belle et le vent portant. Le ciel est dégagé à peine agrémenté de quelques nuages de beau temps. L’eau est limpide tantôt bleue, tantôt laiteuse suivant qu’il y a 10 ou 1000 mètres de fond.
Du moins rien, si l’on omet les détails qui révèlent lors de ce genre de périple, la saveur et l’intensité des moments partagés : les étoiles et les astres d’abord, loin de toute perturbation humaine Orion, Jupiter et Saturne se révèlent; Kicco qui se lève pour râler après 2 jours allongé sur son canapé; Eliott qui planifie son anglais de façon à ce qu’il soit interrompu par une prise toute calculée, car nous savons désormais exactement quand nous allons pêcher; Kelianina qui accorde une sieste bien méritée à ses parents épuisés par les quarts répétés; une bonite qui s’adjoint in extremis à la dorade coryphene perturbatrice pour égayer le repas de riz aux poivrons; des moineaux qui viennent nous divertir à chaque passage de Cayo, et qui permettent de détecter la terre au delà de l’horizon !
Sans jamais refuser, le vent fini par caler et Zéphyr finalement cède sa place à Volvo, mais n’est-ce pas là la logique de notre époque ? D’autres ont depuis longtemps abandonné le vent et la pagaie, puis la vapeur, pour se consacrer au Diesel tout entier. Nos amis franco-américains propulsés au soleil sont, eux, restés bloqués dans le Rio Dulce. Même les plus irréductibles finiront par flancher !
Route Carthagène : jour 2, 156 Nautiques, 6.5 noeuds.
Nous doublons la pointe Nord-Est du Honduras. Un plateau de 150 milles nautiques et 20 mètres de fond avec quelqu’immenses cayos qui dépassent à peine de l’eau, de ci de là.
Kicco rêve de faire une pose sur le Cayo Vivario, Eliott d’y mouiller ses palmes et son harpon car l’endroit est, paraît-il, truffé de langoustes et de crabes. Maman se verrait bien échanger deux kilos de crevettes contre un pavé de cet excellent pain qu’elle confectionne désormais chaque jour. L’immense plateau regorge de ces petites bêtes évidemment traquées par une horde de chalutiers.
Mais il nous faut avancer, car nous n’aurons pas toujours le plaisir de naviguer travers au vent à 6 ou 7 nœuds. Et si nous trainons, nous risquons même de finir les 400 derniers milles au moteur, face aux vagues de 2,5 mètres et aux alizés de 25 nœuds, à 4 nœuds pendant 4 jours : l’horreur !
Pas d’arrêt donc, sur ces immenses Cayos poissonneux et désertiques ! Nous poursuivons notre route avec la pleine lune, un ciel étoilé et toujours 15 nœuds de travers. En fin de nuit nous doublons le dernier récif de cette pointe décidément gigantesque, abattons de 20 degrés, en route directe sur Cathagene. Magie des éléments, le vent refuse en même temps que nous abattons, nous permettant de conserver notre angle parfait de 120 degrés !
Route Carthagène : jour 1, 150 nautiques, 6 noeuds.
Dinghy passage parcouru et île-capitale Bonacca visitée, nous pouvons quitter Guanaja sans regrets et faire route sur Cartagena en Colombie. Nous partons pour 700 milles de mer, soit un peu plus de 6 jours à 5 nœuds de vitesse moyenne. Kicco appréhende la longueur, Eliott affute son stylo Bic et sort sont livret de prises sur lequel il n’a pas inscrit une seule ligne depuis notre retour à l’eau salée, à tel point que ça le fait flipper : ne serait-ce pas le câble ou le moulinet qui pose problème ? Keliane est loin d’imaginer que sa maison va bouger pendant près d’une semaine, mais en fait, elle s’en moque.
Dès la côte dégagée, nous trouvons le vent annoncé, ni plus, ni moins que 15 nœuds de secteur ouest qui nous permettent de nous déhaler à plus de 6 milles par heure.
Pendant que le bateau dévale la houle, les révisions d’anglais vont bon train, malgré les grains parfois pluvieux et toujours ventés qui perturbent l’apprentissage, quand ce n’est pas une coryphene de quelques kilos qui décide de sauter dans notre frigo.
À la tombée de la nuit nous avons bien avancé et le vent ne faiblit pas bien au contraire, nous approchons la pointe du Nord-Est du Honduras et subissons déjà l’effet du relief avec des pointes à 25 nœuds et une vitesse propre qui grimpe parfois à 14 ! À ce rythme, le Temps pour Atteindre l’Arrivée se réduit à 3 jours, mais ne rêvons pas, la route est encore longue et la météo variable.
Dans la nuit, quelques beaux arc-en-ciels lunaires accompagnent Orion et la Grande Ourse pour égayer la veille avant que la lune ne disparaisse, toute d’orange vêtue, chassée par le soleil qui ne tardera pas désormais.
Guanaja jusqu’au limite du Canon !
Nous poursuivons notre route vers l’Est, déjà 150 milles depuis Livingston soit plus de 2 degrés. Hier nous avons promulgué une nouvelle heure, le soleil se couche à nouveau à 18h et se lève de nouveau vers 6h, amplement assez tôt. Les Roxanettes nous soupçonnent de rébellion avant d’adopter notre mesure. Nous les quittons dans la foulée, dans la baie de Port Royal, après une agréable semaine de navigation de concert. Nos routes devraient à nouveau concorder dans quelques dizaines de jours aux San Blas.
Une fenêtre météo inespérée va nous permettre de rejoindre Cartagena au portant. C’est une chance inouïe de pouvoir faire 700 milles plein Est à la voile, là où souffle en temps normal un puissant zéphyr de 25 nœuds, d’Est en Ouest, pile dans l’axe de la route.
En milieu d’après-midi, après une longuette navigation au portant, nous faisons du carburant sur une « île station essence » avant de mouiller sous les feux du couchant devant une « île hôtel », Graham’s Place, magnifique et déserte.
Au réveil, nous empruntons le « dinghy Channel » qui coupe Guanaja en son milieu. La balade est splendide, mais notre Canon Ixus pourtant parfait, n’arrive pas à corriger le contraste. Sur une rive l’hélicoptère, posé à côté d’une plage bordée de cocotiers ainsi que d’une demeure tout confort voir plus, fait face au bidonville sur pilotis, insalubre, délabré et surpeuplé. Notre compact corrige à merveille, le bleu du lagon, le jaune presque blanc du sable chauffé à fondre et le vert tendre des collines balayées par le vent. Il balance les couleurs et l’exposition, recadre et corrige comme un chef les grossières erreurs de ses piètres utilisateurs. Mais pour ce contraste là, notre bijou de technologie n’a pas de solution !
Rouatan, île de contrastes.
Nous mouillons de concert avec le Roxanna au bord de la plage de West End et trempons nos palmes, masques et tubas dans les eaux calmes de sa barrière de corail. Voilà un agréable retour à l’eau salée avec une première plongée toute colorée. À terre l’ambiance change d’Utila : tout et propre et agréable. Les rues ne sont pas pleines de junkies à califourchon sur leur chevaux de métal endiablés. Les ruelles étroites avec un caniveau à ciel ouvert pour seul trottoir n’ont plus cours. Seuls quelques bars accueillants bordent la large promenade le long de la plage. Cet eldorado pour américains azotés manque d’ailleurs un peu de saveur.
Nous poursuivons notre route vers French Harbour, un port de pêche à la crevette ou les armadas de chalutiers rutilants peinent à masquer la misère des habitants. La lagune n’est ici qu’une poubelle tandis que la mangrove a, depuis longtemps, déposé le bilan sous des montagnes d’immondices. À quatre pattes dans les canaux transformés en caniveaux, les lavandières tentent de redonner leurs couleurs d’origine à des vêtements fatigués. Les baraquements en arrière plan, saturés d’humidité et délabrés donnent la mesure de l’insalubrité qui règne ici.
Mais au milieu de ce bidonville, trône le meilleur supermarché que nous ayons vu en Amérique centrale !
À qui peuvent être destinés ces produits de luxes, importés et inaccessibles ?
À cet hôtel pour milliardaires implanté à moins de 500 mètres des favélas ?
À ce riche propriétaire qui vient d’atterrir en hélicoptère a l’extrémité de la plage privée de sa superbe villa, construite en bordure de lagon ?
Probablement oui mais qu’importe, les filles en profitent pour acheter l’introuvable : des torchons, une poêle, du chocolat Lindt, du Brie de Meaux et du Parmigiano Reggiano !
Back to the ocean !
Levés dès l’aube, nous glissons sur les eaux calmes du Rio Dulce portés par le courant vers l’océan (normal c’est un fleuve, t’as déjà vu un fleuve gravir les échelons… Ah si, t’as raison, dans One Pièce évidemment!). Nous passons en revue les merveilles qui nous avaient apaisées à l’arrivée, alors qu’Ernesto menaçait. Des aigrettes grandes, moyennes et petites, blanches ou grises, des perroquets et des toucans multicolores, quelques magnifiques pêcheurs ou apprêtées écolières nous croisent et nous saluent. Les enfants finissent tout juste leur évaluations quand apparaît la ligne d’horizon.
Avec le Roxanna, nous effectuons les formalités de sortie du Guatemala avant de passer la barre du fleuve, un haut fond à deux mètres, plus problématique pour eux et leur profond quillard que pour nous qui calons 4 pieds.
Ceci fait nous nous retrouvons pour un plouf salé sur la plage des Très Puntas. Mais les tronçons de sable sont au choix très sales ou gardés par des chiens méchants. Qu’à cela ne tienne, nous nous baignerons depuis le Valpar.
Oh, surprise, l’eau n’est pas tout à fait salée! Nous sommes pourtant bien dans l’océan, mais le fleuve glisse ici en une nappe limoneuse et froide de deux mètres d’épaisseur, sur l’eau chaude, claire et salée en contrebas dans laquelle paissent les poissons coralliens.
Nous profitons donc une dernière fois de l’eau fraîche et douce du bien nommé Rio Dulce!