Archive pour mars 2013
L’attente à Panamarina
Bloqués au Panama par une stupide histoire de carte bleue et de courrier, nous en profitons pour finir en douceur notre voyage en bateau.
Nous trouvons là l’occasion révée de nous poser enfin, de faire des gateaux, de vendre les « quelques » jouets que nous avons accumulés, de participer à une dernière régate, de chasser quelqu’ultimes crabes nageurs, d’expédier par cargo ce qui doit l’être, de nous organiser pour rentrer et d’envoyer en forêt nos jeunes éclaireurs. Le plus attentif d’entre eux débusque un paresseux…
Il manquait un peu à l’appel celui-là. Son observation cloture en beauté notre séjour en Amérique Centrale, avant que nous ne remontions vers nos froides lattitudes. Sûr que notre regard aura changé, sur la faune et la flore évidemment, mais pas seulement.
Encore quelques jours de patience et nous pourrons quitter notre voilier pour nous envoler vers la terre ferme.
And The Winners are : Rosa, Julie & Paul !
Après un essai concluant, les heureux jeunes parents candidats au titre d' »armateurs amateurs », viennent de se porter acquéreurs de notre fier destrier. L’affaire sera réglée dans quelques semaines ou quelques mois, tout dépend de la célérité des banquiers.
Exit donc, la remontée face au vents et aux courants dominants qui nous faisait si peur, pour nous et notre matériel. Nous restons barboter dans les eaux poissonneuses du Panama et fourbissons nos bagages d’activités nautiques en attendant de poser à nouveau notre sac à terre !
Le peuple des homme-poissons !
Chaque année migre depuis l’Europe, les Antilles ou les États Unis, vers la Polynésie, une nouvelle génération de ce peuple si particulier. Individus solitaires évoluant seul, souvent sous l’eau jusqu’à la nuit tombée, ils sont jusque dans les eaux de la Comarca Kuna Yala, très difficiles à observer.
Nous avions eu vent de leur existence, mais toujours cru qu’il s’agissait là de légendes. La navigation en bateau est propice aux élucubrations et la grenouille est si souvent transformée en bœuf, que nous étions plus que sceptiques lorsque nous entendions quelqu’un nous expliquer que l’ami d’un ami avait fait une telle rencontre, une rencontre du troisième type.
Cette espèce se retrouve bloquée, sur la côte Caraïbes du Panama, jusqu’à la belle saison pour traverser l’océan suivant, en mars. Là, regroupés, les homme-poissons ont plus de mal à se cacher , leur densité fait leur visibilité. Les reefs sont peuplés de dinghy abandonnés sous lesquels un œil exercé, attentif et patient peut observer, avec un peu de chance, un spécimen souvent tapis au fond, derrière un rocher, immobile, carnassier.
Deux pieds palmés, un mollet cerné d’un coutelas aiguisé comme un scalpel, ils portent une lourde ceinture de plomb sur leur shorty ajusté. Leurs main gantées manipulent un fusil géant muni d’élastiques puissants et parfois de moulinet. Masques et tubas ne sont que des leurres destinés à camoufler leur nature de poisson aux hommes que nous sommes.
Notre premier vrai contact eu lieu autour d’un verre, un soir que nous étions invité a bord du Roxanna. Terminator, pourtant né en juin, se disait poisson. Chaque jour de huit a dix-huit heure il pêche du gros, du très très gros, entre 30 et 40 mètres de profondeur.
Puis au fil des rencontres et des plongées, nous avons découvert d’autres spécimens tous plus surprenants que leur suivant.
Simon tout d’abord, dont le cortex cérébral baigne probablement depuis longtemps dans une solution bien plus saline que la nôtre, pauvres terriens, fait le lotus par 25 mètres.
Exterminator et son pote Olivier passent toutes leurs journées au fond, accrochés à leur rocher à guetter le mérou. Ils remontent chaque jour plusieurs centaines de kilos d’énormes poisons. Ceux-là sont en guerre contre la biodiversité. Pour satisfaire leur ego ou remplir leur tableau de chasse à rallonge, ils sont prêts à prélever bien plus que leur pitance, quitte à éradiquer une population.
Nicolas se met à l’eau pour manger, du pagre, du barracuda ou de la rascasse volante. Il chasse raisonnablement, si l’on occulte, bien sûr, la mortalité de la piqûre de la rascasse.
Alain le nettoyeur tire sur tout, gros et petits, du sol au plafond, mais sans cibler une espèce en particulier.
Les Kunas du large, en marge, apparaissent parfois à la surface. Il n’est pas rare, alors que le sondeur affiche 30 ou 35 mètres de fond, de voir émerger devant son voilier, une tête esseulée.
Paul inquiet par le temps qui passait, avait une fois cherche’ à en secourir un, un homme-poisson. A sept mètres sous la surface, il s’était engagé dans une cavité, mais à bout de souffle, il avait dû renoncer, incapable de porter assistance. Hors son copain n’avait nul besoin d’aide. Une fois dans la grotte, il avait croisé un premier barracuda de dix ou quinze kilos, visé, tiré, rangé, rechargé. Puis en s’avançant, il avait découvert que la grotte était en fait un tunnel qui débouchait. Un gros pagre rencontré n’en a pas rechapé. Trois ou quatre minutes après avoir plongé, l’homme-poisson réapparaissait à plus de 100 mètres de son point d’entrée, avec du poisson pour un trentaine de convives !
Ces seigneurs traînent ou entraînent avec eux, une population de suiveurs, de petits plongeurs. Nombreux sont les rêveurs qui gravitent, s’équipent, plongent et observent de la surface ou des faibles profondeurs que leurs maigres capacités leur permettent d’atteindre, leurs mutants de copains descendre toujours plus bas pour chasser toujours plus gros : les discrets homme-poissons !