Yosemite.
Un froid de canard,
des sommets enneigés,
des randos à flancs de falaises,
des cascades gigantesques,
des ours, des cerfs, des écureuils et des piverts bizarrement bleus,
des séquoias multimillenaires, des indiens, un village du Far West…
Nous sommes enchantés par ce premier Park National d’une incroyable beauté.
San Francisco… So Giant’s !
Les Cable-Cars, les railways, les bateaux à vapeur, les musées et expositions, les tours et les parcs, le Golden Gate Park, le GG Bridge et le GG Yacht Club, ChinaTown, les rues en pente et leurs maisons victoriennes, les gens et les shérifs, les burgers et les centres commerciaux, les Painted Ladies, Alcatraz et Al Capone, les oies, bisons, pigeons guillemots, snowy egrets, ratons laveurs, l’Academy of Siences, l’America’s Cup, l’AT&T Park…
Tout ici est si… « Giant’s » !
Tioga
Trois jours après avoir quitté notre maison flottante de quarante quatre pieds, nous embarquons dans un nouveau « chez nous roulant » de vingt quatre.
Le gréement prend l’allure d’une antenne TV. Les Volvo 30 deviennent Ford 350. Les 4 confortables cabines avec salles de bains privatives et vaste espace à vivre indépendant se muent en une unique pièce pourvue de deux lits doubles, d’une ridicule cuisine, d’une table pour 4 et non 5, ainsi que d’une minuscule salle de bain. Notre capacité en eau et en gaz diminue de moitié, seul le frigo gagne en volume !
Notre espace vital se réduit donc pour 87 jours de promiscuité. Après 19 mois d’immuable horizontalité bleue, la vue du salon prend de la pente et de la couleur !
Back to North !
Pire qu’à Cuba où le voyage prend fin en haut du vétuste escalier mobile d’accès à l’avion, notre voyage au Panama s’arrête dès l’arrivée à l’aérogare, international à souhait. Pour nous le nord commence ici, par huit ou neuf degrés de latitude.
Nous faisons une escale à Miami avant de nous glisser dans un vol pour San Francisco. Et après une nuit un peu chahutée et peu reposante, nous arrivons enfin aux pieds du Golden Gate Bridge.
Au débarqué de l’avion, nous tombons sur un distributeur automatique de produits électroniques. Il y à là tout ce dont nous avons rêvé pendant deux ans, condensé dans une machine de deux mètres sur deux à paiement par carte bleue ! Des IPad dont nous avions acquis un exemplaire après six heures de bus au Mexique… Des téléphones prépayés, cinq heures de bus (aller) au Panama… Un appareil photo Canon attendu à bord pendant deux mois…. Un lecteur de carte SD pour IPad… Des cartes SD… Des clés USB…
Les séquoias et les cerisiers remplacent les cocotiers et les manguiers en fleur. Le ciel azur ou brumeux comme le sol verdoyant est zébré de larges cordons de béton. Nous volons de passerelles en skytrains, d’échangeurs en bretelles d’accès, sans jamais réellement poser pieds à terre.
La jungle de Miguel, les pistes rouges et terreuses, la faune à portée de main, de vue ou d’ouïe, n’est plus. Nous sommes au pays de la bagnole. La ville ressemble à s’y méprendre à un circuit de voitures HotWheels, avec ses arabesques tortueuses, ses enchevêtrement d’ouvrages d’arts, ses empilements de voies rapides, ses pick up tuning, ses vielles Buicks, ses Ferraris et ses shérifs…
A 55 MPH sur la déserte voie rapide réservée au covoiturage, nous doublons d’énormes embouteillages. Ils sont loin les camion-bennes cubains, les minivans guatémaltèques bondés, les schoolbus panaméens chargés jusqu’à outrance, jusqu’à la limite non pas du confort mais des capacités mécaniques des véhicules.
On dirait au contraire qu’ici, la voiture est exclusivement individuelle. Nous ne saurons jamais si la maman qui sied dans la Mercedes à nos côté, allaite ses petits, va à Panama ou à Paris… Mange du poulet avec des frites et du soda avant de tout jeter par la fenêtre, comme c’est la norme plus au sud… Nous ne verrons qu’une ombre derrière une vitre teintée, impersonnelle et fuyante, inaccessible.
Hasard ou généralité, nous ne distinguerons pas non plus son sourire !
…Nous y sommes… Au Nord…
Mais pas question de dormir ou de mollir car nous n’avons prévu que trois jours pour trouver, acheter et embarquer dans un camping car en direction des grands parcs de l’ouest.
C’est parti pour 90 jours de visite des USA !
D’un CDD à l’autre…
Nous avions mis de coté nos douillets Contrats à Durée Indeterminée, pour partager sur un voilier deux années vagabondes de Congés à Durée Déterminée. Malgré les découvertes et les rencontres, malgré les copains qui prolongent l’expérience en Congé à Durée Indéterminée, nous posons à terre nos sacs remplis de souvenirs à tout jamais ou pour une durée déterminée. Qui sait ?
Car pour nous c’est fini ! Nous débarquons et passons la barre à Paul et Julie. Notre balade en bateau s’arrète là, sur le quai de Panamarina !
Mais quitte à faire escale aux Etats-Unis, nous pourrions y profiter d’un autre CDD sur quatre roues cette fois-ci. Affaire à suivre donc…
L’attente à Panamarina
Bloqués au Panama par une stupide histoire de carte bleue et de courrier, nous en profitons pour finir en douceur notre voyage en bateau.
Nous trouvons là l’occasion révée de nous poser enfin, de faire des gateaux, de vendre les « quelques » jouets que nous avons accumulés, de participer à une dernière régate, de chasser quelqu’ultimes crabes nageurs, d’expédier par cargo ce qui doit l’être, de nous organiser pour rentrer et d’envoyer en forêt nos jeunes éclaireurs. Le plus attentif d’entre eux débusque un paresseux…
Il manquait un peu à l’appel celui-là. Son observation cloture en beauté notre séjour en Amérique Centrale, avant que nous ne remontions vers nos froides lattitudes. Sûr que notre regard aura changé, sur la faune et la flore évidemment, mais pas seulement.
Encore quelques jours de patience et nous pourrons quitter notre voilier pour nous envoler vers la terre ferme.
And The Winners are : Rosa, Julie & Paul !
Après un essai concluant, les heureux jeunes parents candidats au titre d' »armateurs amateurs », viennent de se porter acquéreurs de notre fier destrier. L’affaire sera réglée dans quelques semaines ou quelques mois, tout dépend de la célérité des banquiers.
Exit donc, la remontée face au vents et aux courants dominants qui nous faisait si peur, pour nous et notre matériel. Nous restons barboter dans les eaux poissonneuses du Panama et fourbissons nos bagages d’activités nautiques en attendant de poser à nouveau notre sac à terre !
Le peuple des homme-poissons !
Chaque année migre depuis l’Europe, les Antilles ou les États Unis, vers la Polynésie, une nouvelle génération de ce peuple si particulier. Individus solitaires évoluant seul, souvent sous l’eau jusqu’à la nuit tombée, ils sont jusque dans les eaux de la Comarca Kuna Yala, très difficiles à observer.
Nous avions eu vent de leur existence, mais toujours cru qu’il s’agissait là de légendes. La navigation en bateau est propice aux élucubrations et la grenouille est si souvent transformée en bœuf, que nous étions plus que sceptiques lorsque nous entendions quelqu’un nous expliquer que l’ami d’un ami avait fait une telle rencontre, une rencontre du troisième type.
Cette espèce se retrouve bloquée, sur la côte Caraïbes du Panama, jusqu’à la belle saison pour traverser l’océan suivant, en mars. Là, regroupés, les homme-poissons ont plus de mal à se cacher , leur densité fait leur visibilité. Les reefs sont peuplés de dinghy abandonnés sous lesquels un œil exercé, attentif et patient peut observer, avec un peu de chance, un spécimen souvent tapis au fond, derrière un rocher, immobile, carnassier.
Deux pieds palmés, un mollet cerné d’un coutelas aiguisé comme un scalpel, ils portent une lourde ceinture de plomb sur leur shorty ajusté. Leurs main gantées manipulent un fusil géant muni d’élastiques puissants et parfois de moulinet. Masques et tubas ne sont que des leurres destinés à camoufler leur nature de poisson aux hommes que nous sommes.
Notre premier vrai contact eu lieu autour d’un verre, un soir que nous étions invité a bord du Roxanna. Terminator, pourtant né en juin, se disait poisson. Chaque jour de huit a dix-huit heure il pêche du gros, du très très gros, entre 30 et 40 mètres de profondeur.
Puis au fil des rencontres et des plongées, nous avons découvert d’autres spécimens tous plus surprenants que leur suivant.
Simon tout d’abord, dont le cortex cérébral baigne probablement depuis longtemps dans une solution bien plus saline que la nôtre, pauvres terriens, fait le lotus par 25 mètres.
Exterminator et son pote Olivier passent toutes leurs journées au fond, accrochés à leur rocher à guetter le mérou. Ils remontent chaque jour plusieurs centaines de kilos d’énormes poisons. Ceux-là sont en guerre contre la biodiversité. Pour satisfaire leur ego ou remplir leur tableau de chasse à rallonge, ils sont prêts à prélever bien plus que leur pitance, quitte à éradiquer une population.
Nicolas se met à l’eau pour manger, du pagre, du barracuda ou de la rascasse volante. Il chasse raisonnablement, si l’on occulte, bien sûr, la mortalité de la piqûre de la rascasse.
Alain le nettoyeur tire sur tout, gros et petits, du sol au plafond, mais sans cibler une espèce en particulier.
Les Kunas du large, en marge, apparaissent parfois à la surface. Il n’est pas rare, alors que le sondeur affiche 30 ou 35 mètres de fond, de voir émerger devant son voilier, une tête esseulée.
Paul inquiet par le temps qui passait, avait une fois cherche’ à en secourir un, un homme-poisson. A sept mètres sous la surface, il s’était engagé dans une cavité, mais à bout de souffle, il avait dû renoncer, incapable de porter assistance. Hors son copain n’avait nul besoin d’aide. Une fois dans la grotte, il avait croisé un premier barracuda de dix ou quinze kilos, visé, tiré, rangé, rechargé. Puis en s’avançant, il avait découvert que la grotte était en fait un tunnel qui débouchait. Un gros pagre rencontré n’en a pas rechapé. Trois ou quatre minutes après avoir plongé, l’homme-poisson réapparaissait à plus de 100 mètres de son point d’entrée, avec du poisson pour un trentaine de convives !
Ces seigneurs traînent ou entraînent avec eux, une population de suiveurs, de petits plongeurs. Nombreux sont les rêveurs qui gravitent, s’équipent, plongent et observent de la surface ou des faibles profondeurs que leurs maigres capacités leur permettent d’atteindre, leurs mutants de copains descendre toujours plus bas pour chasser toujours plus gros : les discrets homme-poissons !
Miguel’s jungle tour!
L’équipage de Narwal, rencontré lors d’une courte balade au Castillo San Bernardo, nous propose de les accompagner dans la jungle. Alors, en route pour le passage familial du canal, nous faisons un détour par les cabanes de Miguel.
Miguel, un grand gaillard depuis longtemps conquis à l’art de survivre au milieu des mygales, des crocos et des guépards. Un basque exilé depuis de nombreuses années au milieu de la forêt, à une heure de marche de la première route carrossable, tout en haut d’une colline d’où il fait bon, le soir au coucher du soleil, prendre le temps de regarder passer toucans et perroquets.
Il nous montre une partie de son univers, nous fait boire de l’eau des lianes, goûter le cœur du palmier fraîchement coupé, identifier les traces des tatous, des sangliers, nous méfier des araignées, des serpents et des fourmis dont la piqûre est pire, paraît-il, que celle du terrible scorpion noir.
Les kid’s s’entendent à merveille avec leurs homologues anglophones, Cole et Cooper du bateau Tribe, les grands aussi. Les petits en revanche, Keliane, Siri et le terrible Lars, font les enfants, bien naturellement.
Nous émergeons au petit matin de nos moustiquaires pour observer quelques oiseaux et déguster d’excellentes crêpes préparées par notre hôte. Miguel réalise devant nos yeux ébahis, un petit poisson en ivoire végétal. Nous avons même le privilège de travailler une graine de tagua, avant de redescendre de notre jungle, de repasser la rivière à la nage et d’embarquer tout mouillés dans notre express aux couleurs très locales : chauffeur au téléphone vissé à l’oreille, accélérateur chevillé au plancher, Klaxon bloqué, dans le couloir on s’entasse comme on peut, avec nos mômes et nos sacs à dos jusqu’à Côlon où nous retrouvons Daniel et son Ronin pour passer le canal en famille.