Venir, voir et repartir.
Venir en avion des confins des Alpes Suisse, d’abord dans un gros Boeing puis dans un petit coucou pour voler jusqu’aux îles. Atterrir sur une piste de brousse inégale, qu’on quitte en dinghy avec quelques colis qui eux s’éloignent en pirogue. Beaucoup en ont rêvé.
Jeff est venu !
Voir les San Blas, les Kunas, les traditions, les lambis, les langoustes, les requins, les raies immenses. Naviguer a s’en arracher les mains, a s’en bruler les bras, du lever jusqu’au delà du coucher du soleil. Voler à Mach II sur la barrière, jiber entre les patates de corail, au ras de la plage immaculée, si prêt qu’on a fini par y laisse un aileron.
Manger jusqu’à plus faim, du poulpe, du lambis, du crabe et de la langouste. Rencontrer des bateaux copains et partager une pâtes, une caipirhina, une soirée autour d’un feu ou une session photo toujours à donf’ dans les alizés, à la limite du spin-out, parfois très prêt, trop prêt du photographe désormais sonné. Plonger et chasser à la nuit tombée, quand sortent les carnassiers pour manger, barracudas, pagres, carangues et requins pointes noires. S’endormir sur le hamac en lisant Millenium. Faire des courses dans une île improbable où trouver des tomates relève du miracle.
Remonter un Rio et s’enfoncer en forêt pour découvrir toucans, perruches, crocodiles, singes, perroquets et fourmis mais surtout Mosquitos. Voir embarquer, vider, depeucer, un whaou de 8kg pour 1m20 et surtout le voir nous échapper bêtement des mains. Discuter, le soir au coin du feu, de l’année écoulée… Vider son sac et tenter de laisser ici ce qui pèse sur le cœur et n’a nul besoin de regagner la Suisse. Voir Keliane monter pour la première fois sur un optimist barrer par son frère et adorer ça ! Donner des cours de riging ou de planche à voile. Prendre un dernier bain dans l’eau turquoise et poissonneuse du Kuna Yala. Visiter les portes du Pacifique, l’écluse de Miraflores, à défaut de l’emprunter.
Jeff a vu !
Repartir en School bus, un Diablo Rojo coloré, sale, bruyant, rapide, sans freins ni roulements, entassés têtes contre fesses dans une ambiance décontractée. Atterrir sans transition dans un aéroport international avec air climatisée et demoiselles en tailleur ajusté, aseptisé, puis prendre l’avion jusqu’à Miami puis Genève.
Jeff est reparti !
La boucle est bouclée. Après quinze jours bien agréables de vie à bord partagée, notre breton de suisse s’en est retourné dans ses montagnes enneigées, au bord de son lac gelé. Il emporte avec lui, outre quelques belles images et sensations, sa bonne humeur dont nous nous sommes régalés.
Hasta luego amigo !
10 jours a Coco Bandero.
Pour la nouvelle année, nous avons jeté notre ancre au milieu des quatre îlots de Coco Bandero. 4 langues de sable surmontées de cocotiers et entourées de récifs sur lesquels il fait bon pêcher.
10 jours de rêve, a manger du poisson frais, du crabe et de la langouste cuits a même le feu partagé, le soir au bord de l’eau turquoise du lagon éclairé par la belle lune du moment.
Observer ou goûter, perroquets, carangues, raies, chirurgiens ou requins, naviguer en planche a voile ou plonger après le CNED, chasser, faire le pain ou le gâteau, lire, jouer en laissant le temps passer, regarder les copains arriver ou partir voire même revenir, toutes ces activités nous ont menées jusqu’a la nouvelle année et même un peu au delà.
Un, deux, trois… Papa passe le Canal !
Deux heures de bus pour rejoindre Colon et nous retrouvons Simon sur Nandi, un plan Joubert de 10m en aluminium, qui change aujourd’hui d’océan. Le pilote panaméen nous rejoint sous l’œil impassible mais vigilant des crocodiles et des pélicans.
Une, deux, trois écluses. Nous prenons de l’altitude, c’est rare en voilier. Les portes de l’Atlantique se referment et, à la nuit tombée, nous attrapons une bouée sur le lac Gatùn pour y passer la soirée. Au lever du jour, nous embarquons Carlos notre pilote pour la traversée de l’isthme américain jusqu’aux portes du Pacifique.
Quatre, cinq, six v’là le Pacific. Quand s’ouvre la dernière porte de l’écluse de Miraflores l’immensité et la liberté d’un espace vierge nous accueillent. Nous laissons Simon et Nandi à leur nouvel océan et nous en retournons en bus sur la côte Caraïbes.
Ca, c’est fait !
De San Blas a Portobello.
La côte est belle, la forêt luxuriante, la faune omniprésente est magnifique. Nous croisons quelques espèces pour la première fois : des paresseux, des perruches splendides, des ibis roses, des crocodiles et des requins en liberté…
Nous découvrons aussi qu’ici le Patrimoine Mondial classé par l’UNESCO prend l’eau. Il faut dire qu’au Panama la grosse affaire du moment c’est l’élargissement du Canal. Alors le premier poste d’embarquement (PortoBello) des richesses pillées plus au Sud à l’époque de l’Empire Espagnol des Amériques, pourra bien attendre. C’est pas sûr du tout en fait, qu’il puisse attendre, vu l’humidité et son état déjà très avancé de délabrement !
Côté population, nous sommes de retour aux Caraïbes. Les gens sont noirs pour la plupart, l’habitat est majoritairement constitué de maisons délabrées en béton armé auquel il manque un étage, en attente de finition depuis des années. Les villages ressemblent à de gros hérissons de métal.
Nous avions envisager de louer un véhicule, mais nous résignons à rayonner depuis Portobello. Rien que les formalités vont nous prendre du temps et une fois fait trois courses, il sera déjà temps de rejoindre les San Blas et les grand-parents pour Noël. Alors tant pis, nous ne visiterons pas le Panama, du moins pas cette fois.
Trois jours bien trop courts.
Les bretons nous ont amené du soleil, du vin rouge, du fromage et de l’andouille, des crêpes et de la confiture de mûres pour accompagner nos petits déjeuners. Ils nous ont aussi porté de Panama City, quelques fruits et légumes si difficiles à trouver ici.
Sur l’île de Carti, nous sommes allés à la rencontre des Kunas. Nous avons assisté au congresso, discuté avec les Saylas, vu l’habitat, sa cuisine rudimentaire et sa chambre, surpeuplée de hamacs, envahie par les vagues.
A Gunboat Cay, Lemon Cays, Dog Island, nous avons découvert des îlots pleins de charmes et des familles sympathiques vivant dans des conditions spartiates mais sous les cocotiers. Nous avons joué au volley avec les enfants, plongé avec les grands, visiter une épave, pêché du sarde queue jaune et du perroquet, mangé de la langouste, du poulpe et de l’excellent king crab…
De retour à Carti, Keliane a soufflé ses deux bougies, largement aidée par ses frangins très attentifs à ses moindres désirs ou difficultés. Et puis les bretons sont partis vers le Costa Rica, pour 15 jours de balade, de visite et de randonnée. De notre côté, nous nous attardons quelques jours au mouillage de BBQ Island, le réputé mais désert « Swimming Pool Anchorage », tout un programme !
Kuna Yala, alias San Blas !
Vaste territoire bordé d’un archipel non moins étendu, le Kuna Yala est géré par les Kunas, seule ethnie d’Amérique Centrale à avoir conservé son autonomie, en marge du Panama. Les femmes choisissent toujours leur maris, les Saylas dirigent toujours le congrès journalier où les jeunes viennent toujours en canoë écouter la parole des anciens, les chants de la tradition orale et les nouvelles des autres îlots. Les familles remontent toujours le fleuve pour faire leur lessive à l’eau douce, près de la source, les noix de cocos sont plus que jamais protégées et les toucans royaux chantent encore de cime en cime. Le gouvernement installe des dispensaires, mais c’est toujours les molas(chemises), les bracelets, les nuchos(statues) et les anneaux nasaux qui protègent les Kunas… Quand cela ne va pas, le guérisseur pratiques des ablutions, boit de la potion magique jusqu’à en perdre la tête et chasse ainsi les mauvais esprits.
Mais pour combien de temps encore ? Les jeunes générations, qui étudient désormais à Panama City, pourront-elles se satisfaire des conditions de confort spartiates des cases traditionnelles de leurs parents ? L’interdiction du mariage inter-ethnique va-t-elle résister aux sirènes de l’amour pluri-culturel et à celles, plus pragmatiques, des problèmes de consanguinité déjà bien présents ? La tradition sera-elle plus forte ici que le modernisme ?
Déjà le cellulaire a envahi les pirogues, la télé fait son apparition chez les plus aisés et, sur les îles les moins traditionalistes, le wifi est disponible. Certaines plages ont un accès payant, le dollar a depuis longtemps remplacé le coco comme monnaie d’échange, d’autres plus sauvages sont jonchées de plastiques et d’autres détritus ! Les lanchas charrient leurs flots de touristes propulsées par de rutilants et puissants moteurs Yamaha. Les hélices et le plastique vont bientôt remplacer la pagaie et le canoë taillé par l’arrière grand père, à partir du tronc d’un arbre séculaire.
Le site est paradisiaque, les 380 îlots proposent plages et cocotiers bordés d’eaux turquoises et chaudes. Les récifs regorgent de langoustes, de king-crabs et de beaux poissons que nous faisons cuire sur le feu avec d’autres équipages et des locaux, sur la plage. Les requins sont légions, mais vu que nous sommes dans l’archipel parfait, ils sont inoffensifs !
Nous avons la chance de nous arrêter pour quelques semaines dans le Kuna Yala, le pays des indiens Kuna.